Conférence du Dr. Van Der Linden (Unité de Psychopathologie et Neuropsychologie – Université de Genève)
Les troubles cognitifs constituent une caractéristique centrale de la schizophrénie. Les déficits affectent de nombreux domaines de la cognition, on retrouve notamment des troubles de la mémoire de travail, des fonctions exécutives, de la vigilance, des habiletés motrices, avec une prédominance des troubles de la mémoire épisodique. De plus, il existe une relation entre ces déficits cognitifs et les capacités d'insertion sociale, professionnelle et familiale. Bien qu’à ce jour les mécanismes cognitifs impliqués de manière spécifique dans les difficultés de réinsertion socio-professionnelle ou familiale ne soient pas clairement identifiés, il semble essentiel de développer les techniques de revalidation cognitive dans la prise en charge des personnes souffrant de schizophrénie.
Deux types d’interventions sont possibles :
- Les programmes "clefs sur porte" (programmes déjà tout fait et administrés plus ou moins de la même façon à toutes les personnes) : ce type d'intervention est prédominant dans les pratiques comme dans la littérature scientifique, les méta-analyses montrent un effet d’amélioration du fonctionnement cognitif mais cet effet est modéré et il n'y a pas d'amélioration avec le temps. Les effets sur les symptômes et sur le fonctionnement psycho-social sont très faibles (et peu étudiés).
- Notre approche = Les interventions "taillées sur mesure" : effectuées en fonction des caractéristiques spécifiques d'une personne. L’objectif étant d’augmenter l'impact sur la vie quotidienne.
Avec les programmes "clefs sur portes" l’impact sur la vie quotidienne est faible car on ne prend pas assez en compte l'hétérogénéité.
En effet, on retrouve dans la schizophrénie une hétérogénéité importante au niveau :
- des dysfonctionnements cognitifs,
- des symptômes,
- des capacités d’adaptation (coping) et de régulation,
- du contexte éducatif, familial, social,
- des motivations, objectifs, de l’estime de soi…
On retrouve de plus une interaction entre ces différents facteurs. Il y a donc une nécessité de recentrer l’approche de revalidation sur les objectifs, les capacités, les plaintes d'un patient donné (avec une validation par des études en cas unique, dans lesquelles l’efficacité de l'intervention est démontrée par rapport à la personne elle-même et non pas pour un groupe). Au regard de cette hétérogénéité il semble impossible de faire autre chose que du cas unique.
Schizophrénie, déficits cognitifs et vie quotidienne
En premier lieu, il s’agit d’identifier le déficit. Ce déficit va générer des incapacités. Il faut voir ensuite qu’est ce qui dans ces incapacités constitue un handicap (pour la personne, en fonction de ses souhaits, ses objectifs, et dans son milieu de vie).
Il s’agit d’une individualisation de l’approche au niveau des interventions cognitives. Les interventions sont ainsi centrées sur les activités de la vie quotidienne afin de permettre aux patients d’acquérir davantage d’autonomie.
Etudes de cas
- Identifier les difficultés cognitives dans les activités de la vie quotidienne et professionnelle de la personne. On va établir un contrat avec la personne sur les interventions en fonction de ses plaintes et ses souhaits. Les problèmes sont identifiés par la personne elle-même, on travaille donc en collaboration avec elle.
- Evaluation cognitive détaillée, à la recherche de déficits cognitifs spécifiques, avec l'utilisation d'outils évaluation spécifiques afin de déterminer les capacités cognitives perturbées mais aussi celles qui sont préservées (qui seront en suite être exploitées dans la revalidation)
Il s’agit également d’analyser les raisons pour lesquelles ces difficultés sont présentes : on va émettre des hypothèses. - Mise en place d’une stratégie d’intervention :
- on va intervenir sur une fonction spécifique
- ou bien, on ne va pas intervenir sur une fonction mais sur l'activité de la vie quotidienne sur laquelle il y a un problème
Cas N° 1
Personne de 29 ans, souffrant de schizophrénie, vit chez ses parents, symptomatologie négative (retrait sociale, apathie)
On établit un contrat de revalidation :
- Les plaintes concernent des difficultés pour suivre une conversation, suivre les émissions de radio, comprendre le fil d'une histoire
- Le bilan cognitif met en évidence un déficit de la mise à jour de la mémoire de travail.
Utilisation du Programme "Mise à jour" qui va permettre de travailler de manière spécifique sur cette composante de la mémoire de travail. Ce programme associe :
- Des exercices cognitifs classiques : exemple : travail sur des séquences de consonnes (courtes au départ puis augmentation progressive de la longueur des séquences / au début aides visuelles puis estompage des aides etc…)
- Des exercices écologiques : application de la mise à jour à des activités de la vie quotidienne, (par exemple, exercices sur fiche de cuisine)
Méthodologie utilisée
- évaluation cognitive pré-revalidation
- session d'information (et de motivation)
- établir la ligne de base (avec plusieurs évaluations, questionnaires, observation)
- revalidation (avec des contrats courts)
- mesures post-revalidation
Les conférences
- Introduction et programme
- Comment agir auprès des familles des malades pour faciliter la réhabilitation ? Le Programme Profamille
- Le programme Insight pratiqué en hôpital de jour
- Parole de patient : “Je suis passé d’handicapé à handicapable” : l’expérience du CRESOP
- La revalidation cognitive dans la schizophrénie : une approche en cas unique, centrée sur les activités de la vie quotidienne
- Le renforcement de l’estime de soi comme préalable à un parcours de vie par paliers d’autonomisation
- Les soins résidentiels en réhabilitation
- Développement et mise en place du Cognitive Adaptation Training (Entraînement Cognitif Adaptatif) au domicile des patients